Faut-il apprendre à pardonner à tes enfants?
Est-il vraiment utile d’apprendre à pardonner à tes enfants? Ne risquent-ils pas de devenir trop gentils, de pardonner systématiquement et de se faire avoir par des personnes peu scrupuleuses? Ta crainte est légitime.
Pour autant, la démarche du pardon est un apprentissage bénéfique pour le bien-être personnel, familial, social. Cela reste un acte qui doit être fait en conscience. Sinon, effectivement, ses conséquences peuvent être négatives.
Et c’est pourquoi tu as tout intérêt à l’enseigner à tes enfants. Je t’explique ce qu’implique le pardon et comment l’apprendre à tes enfants.
Pardonner ne signifie pas oublier
Pardonner à quelqu’un (et non pas demander pardon) est un acte qui aide à mettre fin au sentiment de colère que l’on peut avoir envers une personne ou une institution fautive ou injuste.
Cet acte peut avoir trois aspects :
- une dimension émotionnelle, qui permet de changer de sentiment envers l’offenseur: si on n’oublie pas ce qui s’est passé, on stoppe la rancœur pour laisser place à des émotions plus neutres;
- une dimension décisionnelle: on décide sciemment de renoncer à un potentiel désir de vengeance, à nourrir de la rancune… ce qui n’empêche pas d’y repenser de façon négative;
- une perspective spirituelle ou religieuse, lorsque le pardon est vu comme une vertu ou un commandement, un acte de grâce ou de miséricorde envers l’autre.
Il est important de distinguer le pardon de l'oubli.
Pardonner ne signifie pas oublier l'offense ou prétendre qu'elle n'a jamais eu lieu. Il ne s'agit pas non plus de tolérer ou d'excuser le comportement nuisible. Pardonner n'est pas effacer de notre mémoire les actes qui nous ont blessés, mais choisir délibérément de ne plus laisser ces souvenirs alimenter une souffrance continuelle.
Au contraire, comme nous allons le voir, pardonner peut signifier, reconnaître pleinement la douleur causée, tout en choisissant de ne pas laisser la colère et le ressentiment nous gagner.
Pardonner est avant tout une démarche pour soi
Le pardon est avant tout une démarche personnelle, quelque chose que l'on fait avant tout pour soi, pour trouver la paix intérieure.
Il ne s'agit pas de dire que ce qui s'est passé est excusé, mais plutôt de se libérer du poids de la colère et de la rancœur qui nous tireraient vers le bas. Pardonner, c'est comme enlever un poids de ses épaules, cela aide à aller de l'avant sans être constamment retenu par le passé.
Quand on parle de pardon, on pense souvent qu'il s'agit de faire une faveur à quelqu'un d'autre. Mais en réalité, c'est plus un cadeau que l'on se fait à soi-même. C'est l'occasion de se défaire des sentiments négatifs qui nous empêchent d'être heureux et de profiter pleinement de la vie.
Cela ne signifie pas effacer ce qui s'est passé, mais plutôt accepter et décider de ne plus laisser ces événements contrôler nos pensées et nos émotions. On reconnaît ce qui s'est passé, on accepte que ça a fait mal, mais on choisit de passer à autre chose pour notre propre bien-être.
Ce n'est pas oublier, mais plutôt choisir de ne plus laisser les souvenirs douloureux contrôler notre vie. C'est une décision personnelle qui nous aide à nous sentir mieux et à regarder vers l'avenir avec plus de sérénité. Ce faisant, on accepte de ne plus se regarder comme la victime de ce qu’a fait l’autre. Cela permet de sortir de la victimisation et de se grandir en décidant de ne plus laisser le passé polluer le présent.
Pardonner prend du temps et ce n'est pas toujours facile, mais c'est un pas important vers la guérison intérieure. Cela permet de se réconcilier avec soi-même et de retrouver une certaine sérénité. En fin de compte, pardonner, c'est choisir de se libérer et de s'ouvrir à de nouvelles possibilités de bonheur et de tranquillité d'esprit.
Le pardon permet également de préserver la qualité de la relation, même s’il arrive qu’elle soit différente en raison de l’acte qui a été commis, même si la démarche de pardon a été accomplie par la personne offensée.
Mais parfois, la personne qui fait le chemin du pardon et donc celui de la paix intérieure, peut également décider de mettre fin à la relation. Car à nouveau, pardonner, ce n’est ni excuser le comportement de l’autre ni l’accepter.
Le pardon n’a pas le pouvoir d’effacer ce qui s’est passé.
La distinction entre pardonner et accepter des excuses
Pardonner et accepter des excuses sont deux concepts distincts, bien que souvent associés.
Pardonner implique un processus émotionnel et intérieur où l'on choisit de libérer son ressentiment envers une personne qui nous a blessé, même en l'absence d'excuses de sa part. C'est un acte de grâce envers soi-même, permettant de trouver la paix intérieure et de tourner la page sur le passé.
En revanche, accepter des excuses est une réponse directe à une reconnaissance de tort de la part de l'offenseur. Cela implique de reconnaître l'erreur commise, de montrer de la compréhension et de la réceptivité envers la démarche de réconciliation de l'autre.
Il est possible de pardonner sans qu'il y ait des excuses, car le pardon est avant tout un acte de libération personnelle.
De même, il est concevable de refuser de pardonner même après avoir reçu des excuses, si le processus de guérison intérieure n'est pas achevé ou si l'offense est trop profonde.
En somme, le pardon et l'acceptation des excuses sont des choix individuels, reflétant notre capacité à faire preuve d'empathie, de compassion et de résilience face aux épreuves relationnelles.
Faut-il apprendre à pardonner à tes enfants?
Dois-tu apprendre à pardonner à ton enfant? C’est effectivement une question qu’on est en droit de se poser. Si ton enfant pardonne à tout-va, ne risque-t-il pas d’être victime de personnes malveillantes? Cette nécessité de pardon ne va-t-elle pas nier sa souffrance et effacer ce qu’il a subi?
Au contraire, apprendre à pardonner à tes enfants est une démarche qui peut les aider à grandir avec une compréhension plus nuancée des relations humaines. Tout est dans le processus qui amène à pouvoir dire «je pardonne ou je te pardonne». C’est tout le travail qui se cache derrière ces mots, qui fait que tes enfants ne seront pas maintenus dans une innocence ou une naïveté préjudiciable.
Par ailleurs, l’impact du pardon sur la santé a fait l’objet de plusieurs études. Ces dernières ont montré que pardonner est bon pour la santé en général.
Les bienfaits du pardon sur la santé
Pardonner, c’est cesser de ressasser de la colère, des idées de vengeance, envers la personne ou la situation qui nous a blessé. Or, ces ressentiments sont à l’origine d’anxiété, de stress. Ces émotions provoquent des dérèglements dans notre organisme. Le risque cardiovasculaire augmente avec la tension artérielle. Le sommeil est perturbé. L’humeur également avec un risque de dépression à terme.
Stopper cette spirale infernale qui emporte notre santé physique et mentale est possible en travaillant sur le pardon. Plusieurs études scientiques l’ont d’ailleurs démontré : la colère et l’hostilité augmentent le risque de maladies coronariennes quand le pardon les réduit.
Le développement de relations harmonieuses grâce à la capacité de pardon
Pardonner est bien plus qu’un simple acte de gentillesse ou un effort pour maintenir la paix. C’est une capacité qui aide à surmonter les conflits, assez communs dans toute relation familiale, amicale, amoureuse. Elle permet de se concentrer sur l’amour et le soutien mutuel, plutôt que de stagner sur les erreurs et malentendus.
Apprendre le pardon à tes enfants, c’est leur offrir un outil pour améliorer les relations, surmonter les griefs qui peuvent les endommager ou les détruire.
Mais attention, dire « je pardonne » ne suffit pas pour pardonner.
Le pardon est un long processus qui inclut:
- la reconnaissance des ressentis de chacun;
- la compréhension des erreurs commises;
- la volonté de regarder l'acte commis avec un autre angle de vue.
C'est un acte d'acceptation et de libération qui permet à tous de se délivrer des poids du ressentiment.
Pardonner ne signifie pas ignorer les comportements inappropriés ou les effacer sans conséquences.
Si l’enfant est dans le rôle de celui qui peut pardonner, il apprend aussi de cette situation que ses actions peuvent avoir de l’impact.
Et que le pardon fait partie du processus de réparation de la victime. Cela aide les enfants à comprendre l'importance de la responsabilité personnelle et les encourage à réfléchir à leurs actes.
Enseigner le pardon à tes enfants, c’est aussi leur faire comprendre que ce n’est pas synonyme d'oublier ou d'accepter passivement un comportement nuisible. Au contraire, cela peut aider à mettre en place des limites saines et à tirer des leçons de ce qui s’est passé pour éviter que cela ne se reproduise.
J'explique l'importance de bien distinguer deux notions trop souvent amalgamées: les limites et le cadre dans l’article Comment poser un cadre éducatif ?
Le rôle et le pouvoir du pardon dans les relations familiales
Le pardon s’inscrit dans un environnement familial basé sur l’honnêteté, la confiance, l’écoute et l’empathie. En apprenant à pardonner, les enfants développent des compétences essentielles en communication et en résolution de conflits. Ils apprennent à exprimer leurs sentiments de manière saine et à écouter les autres. Ils créent ainsi des liens plus forts et plus significatifs.
Le pardon enseigne aux enfants à faire face aux déceptions et aux conflits de manière constructive. Ils développent de la résilience. Ils apprennent à rebondir après des déconvenues ou des erreurs, plutôt que de rester bloqués sur des sentiments négatifs. Car pardonner à l’autre, c’est aussi apprendre à pardonner à soi-même, à accepter l’erreur.
De plus, le pardon inculque aussi la compassion et la compréhension. Il encourage les membres de la famille à se mettre à la place des autres. Cette approche empathique renforce les liens familiaux et favorise un climat de respect mutuel.
La capacité à pardonner contribue ainsi à l'équilibre émotionnel de la famille. Elle aide à résoudre les conflits de manière constructive, en laissant de côté les rancœurs. Elle se concentre sur des interactions positives. Le bien-être émotionnel de chacun est renforcé. C’est une famille unie, aimante, compréhensive qui se construit.
Même en tant qu’adulte, pardonner peut être quelque chose de difficile à concevoir. Le pardon n’est effectivement pas toujours facile. Comme nous l’avons vu, c’est un long chemin que l’on fait d’abord pour soi-même. L’apprendre à ses enfants, c’est leur donner un véritable outil de développement personnel. Et comme tout outil, il est nécessaire de le délivrer avec le bon mode d’emploi.
La complexité du pardon
Si le pardon est souvent perçu comme un acte de générosité envers l'autre, ses bienfaits s'étendent donc bien au-delà. Il joue en effet un rôle clé dans l’épanouissement personnel et familial. Cependant, certaines situations rendent le pardon plus complexe.
Bien qu’il soit bénéfique, il y a des situations au cours desquelles il peut s'avérer difficile à accorder. Voici 4 points à ne pas perdre de vue:
- Pardonner ne signifie pas oublier, ignorer ou excuser un comportement inacceptable. Il s'agit plutôt d'accepter ce qui s'est passé pour pouvoir avancer.
- Le pardon demande du temps. Dans certains cas, surtout en présence de blessures profondes, il ne peut être immédiat. Il est important de respecter le processus émotionnel de chacun.
- Il peut être nécessaire de recourir à une aide extérieure. Parfois, l'intervention d'un professionnel, comme un thérapeute familial, peut être indispensable pour naviguer dans les processus de pardon complexes, éventuellement transgénérationnels.
Comment apprendre à pardonner à tes enfants?
Le pardon n'est donc pas un chemin linéaire et simple. C'est un processus dynamique qui demande de l'empathie et de la patience, voire, de temps en temps, un soutien professionnel.
Apprendre le pardon à un enfant est un processus délicat. Avant 5-6 ans, la maturité cérébrale de la plupart des enfants ne leur permet pas de comprendre pleinement le sens du pardon. À partir de ce que l’on appelle communément l’âge de raison, l’enfant peut par contre, progressivement, comprendre tout l’intérêt que revêt la capacité de pardonner.
Savoir pardonner soi-même
Être capable de pardonner soi-même est essentiel pour enseigner le pardon à tes enfants. Cela va te permettre:
- D’être un modèle de comportement cohérent: les enfants apprennent énormément par imitation. Ils reproduisent les comportements de leurs parents et des adultes significatifs dans leur vie. Ils observent comment leurs parents gèrent les conflits, les offenses et les déceptions. Si les parents montrent qu'ils peuvent pardonner, les enfants seront plus susceptibles de reproduire ce comportement dans leurs propres interactions. Cela soutient bien sûr la cohérence de ce que tu souhaites leur enseigner. Cela renforce le message. Les enfants sont plus enclins à accepter et intégrer les leçons de vie lorsqu'ils voient des exemples concrets de ces principes en action.
- De créer un environnement familial sain: si tu as cette disposition à pardonner, c’est que tu perçois les erreurs plus comme des occasions d’apprentissage que comme des fautes nécessitant punition ou ressentiment. C’est aussi que tu offres un espace de parole ouvert dans lequel les enfants peuvent parler sans crainte de ce qu’ils vivent. Tu fais de la confiance et du respect mutuel ta priorité pour construire et maintenir des liens familiaux forts.
- D’enseigner la gestion des émotions désagréables, comme la colère et le ressentiment, de développer l’empathie.
- De renforcer la résilience personnelle. Pour un enfant, voir ses parents qui pardonnent va l’aider à comprendre que les obstacles et déceptions peuvent être surmontés.
Procéder par étapes pour pardonner
Deux chercheurs ont particulièrement réfléchi à un modèle de thérapie par le pardon. Ainsi, le docteur Robert Enright, fondateur de l’Institut international sur le pardon, utilise un système en 4 phases qui consistent à:
- découvrir les émotions désagréables que l’on ressent par rapport à l’offense dont on est victime;
- décider de pardonner;
- travailler à comprendre la personne offensante;
- découvrir de l’empathie et de la compassion pour elle.
Dans son modèle Reach Forgiveness, Everett Worthington détaille, quant à lui, les étapes suivantes :
- aider les gens à faire face à leur blessure;
- trouver de l’empathie pour la personne qui les a blessées;
- obtenir le pardon;
- le conserver.
Ce deuxième modèle s’appuie sur l’obtention du pardon de la part de l’offenseur… or, on ne l’obtient pas toujours. Le meilleur travail que l’on puisse faire, c’est celui qui repose sur soi-même, sur sa propre volonté d’aller de l’avant.
Enseigner le pardon au quotidien
Et concrètement, à la maison, comment peux-tu procéder?
Au quotidien
Au-delà de l’espace de parole que tu offres à tes enfants, tu peux aborder ce thème à travers des lectures d’albums jeunesse comme :
- Je pardonne à Alex, de Kerascoët, éditions La Pastèque, 2022 ;
- J’apprends à pardonner, d’Aurélie Chien Chow Chine, Hachette Enfants, 2022.
Tu peux également inventer des histoires en utilisant les jeux symboliques comme la dînette ou les figurines Playmobil, Lego ou autre pour créer un scénario qui amènera la question du pardon.
Dans le coin dînette, les enfants aiment bien jouer au papa ou à la maman et le parent doit être l’enfant. Renverse ton verre pour voir la réaction de ton enfant. Et si sa réponse est inadaptée (il se fâche par exemple), guide-le pour en trouver une autre, qui lui permettra d’apprendre à gérer sa colère et les intentions qu’il porte à son interlocuteur. Introduis la notion de pardon : «oups, je n’ai pas fait exprès, je te présente mes excuses. Accepterais tu de me pardonner?»
A l’occasion des conflits dans la fratrie
Si tu as plusieurs enfants, les conflits entre frère et sœur vont être un terrain d’apprentissage idéal pour le pardon. En effet, si le très jeune enfant a tendance à saccager les jeux, les dessins, la tranquillité du plus grand, il est important de ne pas simplement demander à l’aîné de pardonner le petit frère… sous prétexte qu’il est petit.
Il est nécessaire d’apporter plus d’explications, de lui rappeler que les capacités d’un plus petit sont différentes, d’apaiser aussi sa colère en trouvant avec lui des solutions pour éviter que cela ne se reproduise. Car en plus de la colère, si on lui demande systématiquement de pardonner en un claquement de doigt, il risque de ressentir de l’injustice. Il est vraiment essentiel d’accompagner une démarche de pardon, de ne pas l’imposer… et d’expliquer au très jeune enfant ce qui se passe, ce que ressent son grand frère ou sa grande sœur et de poser le cadre avec notamment les interdits et le respect de l'autre.
Avec les évènements vécus à l’école ou avec l’entourage
Le quotidien, cela peut être également des situations de harcèlement à l’école ou de trahison et disputes entre amis. Pas question bien sûr de demander à ton enfant de pardonner dans l’immédiat de la situation. Il faut d’abord qu’il puisse exprimer ses ressentis face à des actes et/ou des mots qui l’ont blessé. Il peut aussi passer par le dessin, la peinture, l’écriture pour coucher sa souffrance.
Ce sont des événements qui vont nécessiter d’aborder des sujets comme la trahison, la confiance, l’estime de soi, etc. Mais qui vont aussi montrer la force des liens familiaux, de l’amour, du soutien. Pendant ce long chemin de réparation entrepris par ton enfant, il t’apparaîtra peut-être qu’il est temps pour lui d’envisager de pardonner pour aller mieux. C’est à ce moment-là que ce sujet pourra être abordé, en expliquant en quoi consiste un tel acte et ce qu’il est censé apporter en termes de mieux-être.
Le travail sur le pardon va souvent de pair avec celui sur la culpabilité. Ainsi, si l’enfant qu’il a mérité qu’on lui dise de tels mots, il va en venir à se sentir coupable, à demander pardon. Les rôles vont s’inverser et son estime et sa confiance en lui vont en pâtir. Je t’en reparlerai dans un prochain article.
Si tu te souhaite en savoir davantage sur ces sujets, je t’invite à visionner ma mini-formation gratuite sur les saboteurs qui polluent les relations.
Car si un psychologue peut t’aider à soigner le passé, soutien parfois nécessaire pour cheminer vers le pardon, je peux t’aider à bâtir un quotidien avec relations familiales apaisées.
Ma méthode « Au delà des mots » te permettra d’enseigner naturellement toutes les compétences dont tes enfants auront besoin pour construire des relations sociales sereines.