Poser un cadre éducatif à tes enfants pour les aider à bien se construire
Comment poser un cadre éducatif? C'est une question que me pose souvent les parents que j'accompagne. Entre ceux qui, sous prétexte d’éducation positive, prétendent qu’il ne faut pas dire non à un enfant et ceux qui, au contraire, sont pour la fermeté, tu ne sais plus à quel saint te vouer. Une chose est sûre, poser un cadre à ton enfant est primordial pour son bon développement psychique et cognitif.
Reste à savoir comment fixer ces règles, les enseigner et que faire lorsque l’enfant les enfreint… Je te donne des éléments de réponse. Comme toujours, ce ne sont pas des "astuces", ou des baguettes magiques, mais un guide pour développer tes compétences parentales.
Tout d’abord, il me paraît important de clarifier les mots utilisés. En effet, dans de nombreux ouvrages, les mots cadres, règles, limites, interdits sont employés indifféremment, comme s’ils désignaient la même chose. Pour moi, il faut bien distinguer 2 concepts très différents : le cadre et les limites.
Que désigne le cadre éducatif?
Le cadre est constitué de toutes les règles écrites et non écrites qui favorisent le bien vivre ensemble et la sécurité de chacun. En général, ces règles indiquent ce qui est autorisé et ce qui est interdit.
Le cadre est composé de plusieurs niveaux :
- Il y a les règles du pays dans lequel on habite : par exemple, l’obligation de mettre un casque pour faire du vélo, l’interdiction de commettre des violences physiques, verbales et sexuelles. Ces règles ne sont pas élaborées par les parents, mais ceux-ci doivent les transmettre à leurs enfants et les faire appliquer.
- Il y a également les coutumes de savoir-vivre ensemble qui dépendent des traditions dans lesquelles nous baignons : par exemple, les «règles» de politesse (dire bonjour, au revoir, s’il te plaît, merci, manger ensemble à table, mettre le couteau à droite et la fourchette à gauche…). Ces règles sont différentes en fonction de la culture. Elles ne sont pas fixées par les parents. Il paraît néanmoins important de les transmettre aux enfants. En effet, elles favorisent leur compréhension des codes de la société dans laquelle ils grandissent et au sein de laquelle leur application contribue à une bonne insertion.
- Il y a aussi toutes les règles de la vie de famille qui peuvent changer profondément d’un cercle familial à un autre. Ce sont les parents qui les élaborent. Dans cette rubrique, il y a toutes les règles de ta maison, comme ranger les chaussures dans le placard de l’entrée, aller se coucher à 20h00, se laver avant le dîner, ranger sa chambre une fois par semaine, etc... Il y a aussi toutes les habitudes que tu as envie de transmettre à ton enfant, car elles traduisent les valeurs qui te sont chères : par exemple, se brosser les dents pour apprendre à prendre soin de son corps, etc...
L’important ici est de voir le cadre comme les règles du jeu, avec tout ce qu’il est possible de faire et tout ce qui n’est pas autorisé. Le rôle du parent est d’apprendre à son enfant quelles sont ces règles et de l’accompagner pour qu’il les applique.
Qu’appelle-t-on les limites en éducation?
Le mot limite vise une tout autre réalité, qui n’a rien avoir avec les règles du jeu fixées notamment par les parents. Les limites sont propres à chaque individu. Il y a 2 grandes catégories de limites :
- Les limites qui viennent brider la personne dans ce qu’elle pourrait ou souhaiterait faire en raison de ses dispositions physiques ou psychologiques. Par exemple, un enfant n’a pas encore la capacité pour courir aussi vite que lorsqu’il sera adulte: il est encore particulièrement limité par ses possibilités motrices. Autre exemple, un enfant est tellement fatigué qu’il n’arrive plus à se concentrer sur ses devoirs: il est limité par son épuisement.
- Il y a aussi, et j’allais dire surtout, les limites que chaque personne pose par rapport à ce que les autres peuvent faire ou non vis-à-vis d’elle. Dans ce sens, il s’agit de délimiter son territoire personnel et de le baliser avec une frontière que les autres n’ont pas le droit de franchir: on pose ses limites. Les enfants aussi ont besoin d’identifier leurs limites et de les poser. Mais les parents ne peuvent pas poser des limites à leur enfant : c’est l’enfant qui les met en place pour lui-même. Cela lui permet d’oser dire non quand quelqu’un prétend franchir la frontière de son espace personnel. Combien d’adultes aujourd’hui n’osent pas s’affirmer et se faire respecter, car, enfant, ce sont leurs parents qui ont fixé toutes les limites, en oubliant de développer la capacité de l’enfant à poser les siennes!
Pour résumer, il ne s'agit pas de poser des limites à un enfant, mais de fixer un cadre, c'est-à-dire des règles composées d’obligations et d’interdits, qui permettent de bien vivre ensemble en sécurité. Il convient ensuite d’apprendre à l’enfant à appliquer les règles du cadre.
Et en parallèle, il importe :
- d'accompagner l'enfant à mieux se connaître pour qu’il identifie ses limites;
- d’apprendre à l’enfant à faire respecter ses limites par les autres et à respecter celles des autres.
Pourquoi poser un cadre aux enfants?
Alors que cette question de cadre en éducation fait débat dans les médias et sur youtube, revenons aux fondamentaux en matière de développement de l’enfant.
Opposer défenseurs d’une éducation qui pose des interdits à ceux qui prônent une éducation positive n’a pas de sens. Quand on regarde les écrits sur l’éducation positive, il y est bien question de définition d’un cadre éducatif avec mise en place de règles. C’est juste que ce point est trop souvent noyé dans la masse d’informations, voire considéré comme anecdotique. Or, il constitue la base d’une éducation qui permet un développement équilibré de l’enfant.
La différence va plutôt se jouer à 3 niveaux :
- d’une part sur la façon de définir ces règles: ici s’opposent partisans de méthodes disciplinaires rigoureuses, parfois quel que soit l’âge de l’enfant, et experts préconisant des approches pédagogiques et explicatives.
- d’autre part, sur la manière de faire appliquer ces règles par l’enfant: punition et sanction pour les uns, collaboration et proposition de choix pour d’autres.
- et enfin, sur les tournures de phrase à utiliser pour rappeler la règle: alors que les mots «Tu n’as pas le droit de marcher sur la route» ne posent aucun problème à certains, d’autres préfèrent utiliser exclusivement la forme positive «Tu peux marcher sur le trottoir».
Mais pourquoi poser un cadre éducatif est-il si important pour la croissance de l’enfant?
L’enfant a des besoins
En 2017, le Ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes a mené une démarche de consensus sur les besoins fondamentaux en protection de l’enfance. Sept besoins dits «universels» ont été identifiés :
- les besoins physiologiques et de santé;
- le besoin de protection;
- le besoin de sécurité affective et relationnelle;
- le besoin d’expériences et d’exploration du monde;
- le besoin de cadre, de repère et de limites;
- le besoin d’identité;
- le besoin d’estime de soi et de valorisation de soi.
Les règles sont des outils pour aider l’enfant à se développer
Les règles éducatives (appelées limites éducatives par l’immense majorité des professionnels) ne sont pas simplement des consignes à suivre. Elles sont des outils au service d’un développement équilibré et d’une bonne structuration psychologique et intellectuelle de l’enfant. Elles l’aident à se préparer pour l'avenir, à devenir autonome, responsable et empathique. Elles offrent aux enfants :
De la sécurité et de la prévisibilité
Poser un cadre, c’est créer un environnement sécurisant et prévisible pour les enfants. Savoir ce qui est attendu d'eux et ce qui se passera les aide à réduire leur anxiété et leur confusion.
Cette sécurité est autant physique qu’affective. On connaît les conséquences des carences affectives, de l’abandon et a fortiori des relations toxiques pour la construction psychologique de l’enfant. Il en va de même de la sécurité physique: sans brider l’enfant dans son exploration, le parent veille à ce que son environnement soit notamment adapté à son développement moteur.
Quant à la prévisibilité, elle rassure l’enfant. C’est d’ailleurs pourquoi l’instauration de routines contribue à son bien-être: rituel du coucher, rituels à l’école, emploi du temps similaire d’une journée sur l’autre, etc. Ce qui peut sembler ennuyeux à l’adulte est nécessaire dans les premières années de vie de l’enfant. Et quand un changement s’annonce, il est important d’anticiper et de parler avec les enfants.
De plus, il est primordial de présenter le cadre comme n’étant pas seulement une source de frustration et d’empêchement. En effet, tu peux montrer à ton enfant qu’il peut lui-même s’appuyer sur une règle du cadre pour revendiquer un droit ou rappeler ce qui est attendu des autres.
La possibilité de développer leur autodiscipline
Les règles aident les enfants à développer leur contrôle inhibiteur. En assimilant leur application, ils apprennent à s’autocontrôler, à gérer leurs impulsions et à réfléchir avant d'agir.
Par exemple, une des règles qu’on les amène à suivre en tant que parent, c’est celle de ne pas arracher des mains un jouet convoité. On leur apprend à demander, à gérer leur frustration et patienter face à un « non », à réfléchir. On les conduit à comprendre comment leurs actions affectent les autres.
Ils développent ainsi de l'empathie et des compétences interpersonnelles. Ils apprennent à interagir socialement, à exprimer leurs frustrations de manière appropriée et à chercher des solutions constructives.
Face aux interdits, les enfants s’exercent à trouver des solutions créatives aux problèmes et à prendre des décisions responsables. Ceux qui sont habitués à des interdictions claires et cohérentes peuvent progressivement anticiper les conséquences de leurs actions et faire des choix responsables. Avec l’âge, en respectant les interdits et en maîtrisant les règles, ils développent une estime de soi et une confiance en leurs capacités. Cela les aide à se sentir compétents et valorisés.
Leur fixer un cadre éducatif, c’est les préparer à naviguer dans le monde adulte. La société et la vie en général sont pleines de règles, d’obligations et d’interdictions. Leur faire croire le contraire en évitant le plus possible de les frustrer, souvent en raison d’une mauvaise interprétation de l’éducation dite positive, ne leur rend pas service.
Comment définir des règles éducatives et poser un cadre?
Maintenant que les bienfaits des règles en éducation sont énoncés, reste à savoir comment les mettre en place. Soyons clair, la méthode forte «J’ai fixé des règles (que personne ne connaît peut-être d’ailleurs !) et si on ne les respecte pas, c’est punition» n’est pas efficace.
L’objectif, c’est que les enfants soient capables de contrôler leurs comportements et leurs impulsions, non pas par crainte de la punition, mais parce qu'ils comprennent l'importance de suivre des règles pour leur bien-être et celui des autres.
Bien sûr, ce but à atteindre nécessite une progression et une adaptabilité dans les règles exigées, de la patience et de la persévérance.
Qui définit les règles ?
La définition des règles éducatives est principalement du ressort des parents et des éducateurs, notamment quand l’enfant est jeune. Ils posent le cadre, les repères et fournissent les références nécessaires pour un développement sain de l'enfant. Ils servent aussi de modèles. N’attends pas des enfants qu’ils ne mettent pas les pieds sur le canapé si ne serait-ce que l’un des deux parents se le permet.
À mesure que les enfants grandissent, il peut être bénéfique de les inclure dans le processus de réajustement des règles. Ceci peut se faire lors de conseils de famille pendant lesquels les parents encouragent les enfants à exprimer leurs opinions et à discuter de certaines règles familiales. Cette pratique les invite à la responsabilisation et au respect mutuel, tout en les aidant à comprendre les raisons des règles fixées. Ils se sentent également valorisés dans les décisions familiales. Et cela peut déveloper leur confiance en soi.
Quelles règles établir?
Tu ne trouveras pas une liste de règles à mettre en place au sein de ton foyer ici. C’est aux parents de définir les leurs.
Certains interdits sont définis par la loi, comme la violence verbale et physique, le vol, etc. Bien sûr, l’enfant ne le sait pas et c’est aux parents de progressivement lui faire intégrer ce type de règles.
Pour le reste, c’est affaire d’évaluation et de valeurs personnelles. Je discutais avec une maîtresse d’enfants de 2-3 ans qui m’expliquait qu’elle choisissait ses « combats ». Elle ne pouvait pas exiger trop de règles en même temps pour des enfants aussi jeunes. Ainsi, sa priorité était que les enfants s’expriment dans la classe.
Se fixer des priorités
Un matin, un élève est arrivé avec son petit sac à dos vide sur les épaules et sa tétine dans la bouche. Visiblement, il ne souhaitait ôter ni l’un ni l’autre. Plutôt que de s’acharner à vouloir lui faire poser les deux, elle s’est fixé l’objectif de la sucette. Quand l’enfant a voulu lui parler, elle lui a rappelé la règle. Qui en même temps allait de soi : « si tu veux que je te comprenne, tu dois poser ta tétine. La sucette, c’est pour la sieste ».
Au moment de la sieste, ce petit garçon ne voulait toujours pas poser son sac à dos qu’il avait même gardé à la cantine. Pourquoi exiger qu’il le pose ? Dormir avec ne le mettait pas en danger. Et cela aurait été projeter son propre inconfort que présupposer qu’il ne réussirait pas à bien dormir avec. Il a donc fait sa sieste, avec son petit sac sur le dos…
La maîtresse a décidé de lui faire confiance : s’il était gêné, il l’enlèverait. De fait, il a bien dormi et n’a plus jamais souhaité l’avoir ni en classe ni pendant la sieste. Il n’y avait aucun intérêt à interdire ce sac, tant que cela ne gênait ni le fonctionnement ni les autres élèves.
Ajuster le cadre en fonction de l’âge et du développement de l’enfant
Les jeunes enfants nécessitent des règles simples et directes. Les adolescents peuvent gérer des directives plus nuancées et complexes. Cette adaptation assure que les règles sont toujours pertinentes, compréhensibles et réalisables pour l'enfant. Cela facilite ainsi leur acceptation et leur respect.
Prenons l’exemple des temps d’écran : un adolescent de 15 ans passera plus de temps qu’un enfant de 6-11 ans sur son ordinateur, voire son téléphone. Ne serait-ce que parce que cela peut s’avérer être un outil de travail, de révision, d’échanges avec ses amis.
Rester cohérent et clair dans les règles
Par contre, la consistance, la cohérence et la clarté des règles doivent perdurer quel que soit l’âge des enfants. Leur formulation doit être précise pour éliminer toutes les ambiguïtés possibles. L’enfant doit pouvoir comprendre exactement ce qui est attendu de lui.
L'application constante de ces règles renforce leur validité et leur importance. Les enfants se sentent plus en sécurité et confiants lorsqu'ils savent à quoi s'attendre et comprennent les conséquences logiques de leurs actions. Cela pose également une ambiance bienveillante, un climat familial sécure.
Comment enseigner l’application des règles aux enfants?
Il n’y a pas de recette toute cuite, mais il y a sans doute un juste milieu à trouver entre noyade sous de longues explications et rigueur militaire du type «c’est comme ça et pas autrement». Par ailleurs, cela demande de connaître un petit peu les stades de développement de l’enfant.
Prenons l’exemple du très jeune enfant qui depuis sa chaise haute s’amuse à jeter par terre ses jouets ou morceaux de gâteaux. Forcément, cela peut énerver. Mais en se plaçant du point de vue de l’enfant qui explore la permanence de l’objet, à savoir que le hochet qu’il ne voit plus est quand même toujours là, on comprend qu’il n’y a pas, à ce moment-là, la transgression d’une règle.
Par contre, un enfant qui a déjà éprouvé l’expérience de la permanence des choses, mais continue de jeter par terre ses couverts, sa nourriture, c’est différent. L’enseignement de l’interdit est nécessaire. Pour certains, il sera directement intégré, par imitation. Pour d’autres, il faudra être plus clair et précis.
1- Communiquer et expliquer les règles
Première technique pour expliquer les règles, les transmettre aux enfants en les expliquant. C'est cela "faire preuve d'autorité"! C'est poser et communiquer les règles du jeu. Pour cela, il faut déjà être au clair soi-même avec ses propres attentes… et vérifier qu’elles soient adaptées au développement des enfants.
Lorsque les raisons sous-jacentes à ces règles sont exposées de manière compréhensible, elles sont généralement plus facilement assimilées et appliquées. Néanmoins, toutes les règles n’ont pas besoin d’avoir des explications. Par exemple, pour manger, on reste assis à table. On ne se balade pas dans toute la maison avec sa fourchette et sa serviette.
Quand l’enfant est très jeune, il est préférable d’éviter les phrases négatives qui ne sont pas encore bien comprises. On peut alors dire: «Courir dans la maison, c’est non. On marche. Sinon, on peut se cogner et se faire mal ».
Il est important d’expliquer les raisons d’être des règles en dehors de tout conflit. Par exemple, si ton enfant ne va pas se brosser les dents après le repas alors que c’est la règle, cela ne sert à rien de lui répéter à nouveau l’importance de l’hygiène dentaire et de lui rebattre les oreilles avec ton histoire de caries. À ce moment-là, ton enfant n’est pas réceptif. Et surtout, ton enfant le sait, tu lui as déjà dit! Le redire à nouveau ne va pas le faire changer de comportement. Je te recommande plutôt de l’impliquer dans la recherche de solutions pour qu’il applique la règle (voir plus loin).
2 - Montrer l’exemple
Admettons qu’une des règles de ta vie de famille avec tes enfants de 6 à 11 ans soit «plus d’écran à partir de 18h». Si ne serait-ce qu’un des parents passe son temps entre cette heure-là et le moment du coucher sur son téléphone ou allume la télévision pour se poser devant, l’enfant perd un précieux repère.
Le parent peut toutefois avoir besoin de répondre urgemment dans ce laps de temps. Dans ce cas, il explique pourquoi il prend son téléphone pour répondre à un message ou à un appel et il le repose.
Une des façons d’apprendre pour les enfants est l’imitation. Si les adultes respectent eux-mêmes les règles et agissent de manière cohérente avec les valeurs qu'ils souhaitent inculquer, les enfants sont plus susceptibles de suivre ce modèle.
Autre exemple, lorsqu’on souhaite valoriser le respect et la patience, il est important de les démontrer soi-même dans les interactions quotidiennes. Si dire constamment « dépêche-toi », crier parce que le salon est en bazar, jouer des coudes dans la queue pour gagner des places, sont à l’antipode de ce que tu souhaites voir chez tes enfants, ne le fais pas.
3 - Encourager et utiliser des renforçateurs positifs
Encore peu connu et utilisé en France, le renforcement positif est une méthode efficace pour encourager le respect des limites. Le chercheur en psychologie Alan Kazdin la décrit dans son ouvrage Éduquer sans s’épuiser.
Les objectifs sont de :
- favoriser les bons comportements, grâce à des demandes claires, formulées calmement, parfois progressivement ;
- se concentrer sur ce qui est réussi plutôt que de ne relever que ce qui est mal fait ;
- mettre l’accent sur ce qui a été bien fait, voire compléter avec un renforçateur. Ce dernier n’est pas une récompense matérielle, mais plutôt une gratification, telle une deuxième lecture offerte au moment du coucher, un regard attentionné et admiratif, etc.
Les relations harmonieuses, saines, positives induites par un comportement respectueux des règles incitent les enfants à poursuivre dans cette voie, sans pression.
J'expose de manière plus détaillée dans cet article: Comment féliciter son enfant ?
4 - Impliquer l’enfant dans le processus d’élaboration et d’évolution des règles
Inclure les enfants dans le processus de définition des règles de la vie de famille est une autre piste à explorer. Cela présente plusieurs avantages :
- Les enfants sont plus enclins à appliquer des règles qu'ils ont aidé à établir.
- Pour les enfants plus âgés, discuter et négocier certaines règles de vie de famille peut être une approche efficace. Cela les aide à se sentir valorisés et respectés. Et ils développent leurs compétences en matière de prise de décision et de résolution de problèmes.
Mais attention, cette discussion ne doit pas avoir lieu au moment où ton enfant n’applique pas la règle. Car si à ce moment-là, vous rentrez dans ce type d’échange, il y a une forte probabilité pour que ton enfant retienne qu’il est possible de négocier les règles pour ne pas avoir à les appliquer. Et c’est précisément ce qu’il faut éviter: la négociation permanente sur le cadre!
5 - Élaborer avec l’enfant un protocole pour qu’il applique la règle
La meilleure façon d’apprendre à ton enfant à appliquer les règles est de l’accompagner à trouver ensemble ce qui lui convient afin que l’application de la règle soit plus facile pour lui. Il ne s’agit pas de négocier la règle, mais de trouver avec lui ce dont il a besoin pour que ce soit plus exécutable pour lui.
Par exemple, ton enfant ne veut pas aller se brosser les dents. Comme je te l’ai dit plus haut, cela ne sert à rien de lui répéter pourquoi c’est important. Il le sait, tu lui as déjà dit. «La folie, disait Einstein, c’est faire la même chose encore et encore et s’attendre à des résultats différents!» Alors change de méthode. Prends la posture d’un coach pour l’aider à trouver en lui ce dont il a besoin pour appliquer la règle.
La question n’est pas comment faire pour qu’il apprenne à aller se brosser les dents, mais de quoi a-t-il besoin pour le faire? C’est dans cette recherche que certains enfants vont aimer le tableau des routines qui sera sans effet sur un autre. L’un va proposer de mettre de la musique pour rendre le moment plus joyeux, l’autre va préférer faire la course contre un sablier. Chaque enfant est unique, donc chacun a des besoins différents.
L’important est de l’impliquer dans la recherche de solutions pour qu’il applique la règle. Alors pose-lui la question!
Comment gérer les transgressions de cadre?
Les enfants transgressent les interdits pour plusieurs raisons, souvent liées :
- à leur stade de développement;
- à leur compréhension des règles;
- ou à des facteurs émotionnels et environnementaux.
Les transgressions naturelles
Parfois, l’enfant n’applique plus le cadre, sans s’en rendre compte, parce qu’il est :
- Naturellement curieux
Les enfants explorent le monde autour d'eux, ce qui peut les amener à oublier le cadre, non pas par désobéissance, mais par désir de découvrir et de comprendre leur environnement.
- En manque de compréhension
Les enfants peuvent ne pas comprendre pleinement les règles ou leurs raisons. Les obligations et interdictions qui semblent arbitraires ou non expliquées peuvent être plus difficiles à respecter.
- Incapable de gérer ses émotions
Les jeunes enfants peuvent avoir du mal à gérer leurs émotions. La frustration, la colère ou l'excitation peuvent les amener à agir de manière impulsive, en passant outre le cadre. Ils peuvent aussi réagir à des changements dans leur vie ou à des situations stressantes (comme un déménagement, un divorce, ou la naissance d'un frère ou d'une sœur) en transgressant les interdits. Ce comportement est une forme de langage qu’il est important d’écouter : l’enfant dit quelque chose de lui, de ce qu’il vit et traverse lorsqu’il n’applique plus les règles du cadre.
Les transgressions volontaires
Dans certains cas, l’enfant cherche volontairement à transgresser la règle parce qu’il est :
- En recherche d'autonomie
À mesure qu'ils grandissent, les enfants cherchent à affirmer leur indépendance et leur autonomie. Déroger au cadre peut être une manière de tester leur pouvoir et de voir jusqu'où ils peuvent aller.
- En manque d'attention
Si un enfant se sent négligé ou s'il veut s'assurer de la présence et de l'attention de l'adulte, il peut agir de manière inappropriée.
- Influencé par ses pairs
La pression des camarades peut influencer les comportements des enfants. Ils peuvent alors enfreindre des interdits pour s'intégrer ou pour impressionner leurs amis.
- Sensible à l’incohérence dans l'application des règles
Si les règles ne sont pas appliquées de manière juste et cohérente, les enfants peuvent les tester pour vérifier leur sérieux.
En cherchant à comprendre les raisons derrière la transgression des règles, les parents et éducateurs peuvent répondre de manière plus appropriée et efficace. Ils peuvent en effet aborder les causes sous-jacentes plutôt que de se concentrer uniquement sur le comportement.
Compréhension et validation des émotions de l’enfant
Souvent, les comportements inappropriés sont une expression de frustrations ou de besoins non satisfaits. Écouter l'enfant, reconnaître ses ressentis et lui montrer de l'empathie, va l’aider à adopter la bonne attitude.
Par exemple, si un enfant se met en colère et enfreint une règle, au lieu de réagir immédiatement avec des réprimandes, il peut être plus efficace de lui dire: «Je vois que tu es en colère, tu as le droit. Par contre, jeter les affaires, c’est non. Quand tu seras calmé, nous pourrons parler de ce qui t'a énervé?». Cette approche permet de désamorcer la situation et d'ouvrir la voie à une meilleure compréhension et résolution du problème.
La méthode ABC du professeur Kazdin permet quant à elle de façonner des comportements appropriés à l’aide de jeux de rôle, menés sur des temps opportuns.
Utilisation des conséquences logiques
Les conséquences logiques sont différentes des punitions. Alors que la punition vise plutôt à infliger une douleur souvent morale pour un comportement inapproprié, les conséquences logiques sont directement liées au comportement et visent à enseigner.
Par exemple, si un enfant joue à table alors qu’il est en train de boire un verre de jus, on peut le prévenir, sans le menacer, que le verre risque de tomber et qu’il devra alors nettoyer. Cette méthode permet à l'enfant de comprendre les conséquences naturelles de ses actions et de les associer directement au comportement qui les a causées. Elle nécessite toutefois de tourner ses phrases de telle sorte qu’elles ne contiennent ni chantage, ni intimidation, ni sommation.
Faut-il prévoir une sanction? : différence entre sanction et punition
La principale différence entre la punition et la sanction est que :
- La punition est improvisée au moment du comportement (par exemple: puisque vous avez été odieux à table, vous êtes privés d’écran!).
- La sanction est connue à l’avance (par exemple: la règle de la vie de famille est que le temps d’écran est limité à 1 heure le samedi et l’enfant sait que s’il n’éteint pas spontanément au bout d’une heure, il sera privé d’écran le samedi suivant pour la même durée).
Les punitions, parce qu’elles sont arbitraires et en général sans rapport avec la règle transgressée, ne sont jamais une bonne idée. En général, elles tombent, car le parent se sent impuissant, démuni et donc agacé. L’énervement le conduit à improviser une punition.
Les sanctions ont été décriées. Mais très souvent, c’est parce qu’elles étaient assimilées à des punitions. Or punition et sanction sont bien différentes.
Une sanction est une conséquence qui advient en cas de non-respect d’une règle. Notre monde d’adultes, c'est-à-dire le monde qui sera demain celui des enfants, est régi par des règles qui posent de nombreuses sanctions dans le Code pénal, mais aussi dans les règlements intérieurs, les conventions, etc.
La sanction, souvent inefficace, mais pas néfaste
Malgré toute la littérature sur les sanctions, aucune recherche n’a démontré qu’une sanction était propice à faire intégrer une règle par un enfant. Aucune n’a démontré non plus d’effet néfaste pour le développement de l’enfant si la sanction répond à 3 critères:
- être connue à l’avance;
- être en rapport avec la règle transgressée (priver d’écran pour sanctionner une mauvaise note n’a aucune vertu pédagogique, alors que réduire le temps d’écran du samedi suivant, si le temps d’écran prévu par le cadre de la vie de famille a été dépassé, est en rapport avec la règle);
- et être proportionnée (réduire le temps d'écran de la durée du dépassement est proportionné, alors que priver d’écran pendant 3 mois, si la durée est dépassée, est disproportionné.)
Je ne fais pas pour autant l’apologie des sanctions. Elles peuvent être efficaces pour certains enfants et inutiles pour d’autres. L'important est de rester bienveillant. Ce qui est préjudiciable, c'est d’improviser une punition sous le coup de l’énervement. Et malheureusement, cela arrive très souvent: «Tu n’as pas été assez sage, tu n’auras pas de glace… Vous avez été odieux, privés de télé… Il y a encore un mot dans le cahier, alors tu n’iras pas à l’anniversaire d’Hugo…»
Si tu élabores des sanctions proportionnées, en rapport avec la règle, et que ton enfant les connaît, tu ne vas pas le traumatiser et il pourra grandir et s’épanouir.
Si tu n’es pas à l’aise avec le fait de prévoir des sanctions, c'est-à-dire des conséquences proportionnées en cas de non-respect d’une règle, il n’y a aucune obligation de le faire.
Dans certaines situations, il sera possible d’élaborer avec l’enfant une réparation possible des dommages matériels ou moraux causés.
L’important, c’est de réagir de manière constructive et éducative, avec une approche calme et réfléchie. Entre 6 et 11 ans, l’enfant est en mesure de participer à une discussion afin de:
- comprendre pourquoi il a agi de la sorte;
- lui rappeler les règles et les raisons derrière elles;
- et travailler ensemble à des solutions réparatrices.
Il est aussi essentiel d'être cohérent dans l'application des règles et des conséquences, afin que l'enfant comprenne clairement les attentes.
N'hésite pas à poser tes questions en commentaires.
Un grand merci pour cet article. J’ai beaucoup appris grâce à la distinction entre cadre et limite. Cela m’éclaire vraiment.
Bonjour Claire, merci pour ton message.