Calmer la colère chez l'enfant: mieux comprendre pour mieux agir
Qui n’a pas redouté la crise de colère de son bambin dans les allées du supermarché ? Il se met à hurler, à crier, voire à taper, à se rouler par terre. Et toi, tu ne sais comment gérer avec l’impression que tous les regards sont braqués sur toi.
Calmer la colère chez l’enfant ne relève pas de mission impossible. Les quelques éléments suivants devraient te permettre de mieux comprendre cette tempête émotionnelle qui envahit nos enfants. Puis, ils te permettront d’essayer quelques pistes pour apaiser les crises de colère de ton fils ou de ta fille.
La colère est une émotion qui fait partie intégrante du développement de l’enfant.
Le bébé exprime ses besoins par différents pleurs. Néanmoins, il est rare que l’on parle de colère à cet âge-là. Il crie parce qu’il a faim, parce qu’il a besoin de faire un rot, que sa couche est mouillée, qu’il est fatigué, qu’il a besoin d’un câlin…
Vers l’âge de 18 mois, l’enfant commence à être autonome. On peut alors observer des crises de colère. Typiquement, ce sont ces moments où l’enfant :
- jette tout par terre;
- hurle, crie, pleure;
- frappe avec ses pieds, ses poings, et même sa tête;
- mord;
- s’enfuit quand on essaie de l’attraper pour l’arrêter dans son déchaînement de gestes brusques, incontrôlés;
- se roule par terre, tape des pieds…
Certains enfants retiennent même leur souffle (et le reprennent, pas de panique!).
Quand ils grandissent, leur colère peut continuer de s’exprimer ainsi. S’ajoutent parfois des mots qui peuvent blesser et choquer, notamment à l’adolescence.
Pourquoi mon enfant se met-il en colère?
Qu’est-ce qui peut bien pousser l’enfant à réagir ainsi? Avant de chercher les causes, garde bien en tête que son cerveau est en pleine construction jusqu’à environ 25 ans.
L’immaturité cérébrale du jeune enfant se traduit notamment par une difficulté à contrôler ses émotions. Quand un sentiment le submerge, il peut éprouver une sensation similaire à celle provoquée par une forte vague. Des émotions ou des besoins intenses qu’il ne parvient pas à exprimer, le font chavirer et perdre pied.
Parmi les causes courantes de la colère infantile, on note:
- la frustration: parce qu’il ne réussit pas à faire seul quelque chose ou qu’on l’empêche de faire ce qu’il souhaite;
- la fatigue, qui annihile le peu de contrôle émotionnel qu’il pouvait potentiellement avoir acquis, la faim, l’excitation;
- la contrainte: on l’oblige à faire quelque chose dont il n’a pas envie;
- le stress, voire la peur;
- le manque de marques d’affection, d’attention de la part des parents;
- l’incapacité à mettre en mots ce qu’il ressent, etc.
Chacun de ces déclencheurs sera vécu avec une intensité différente selon les enfants. Cela dépendra de leur sensibilité, de leur tempérament. Certains sont plus réceptifs aux stimuli produits par leur environnement. Ils peuvent être plus vite et plus fortement irritables. Enfin, plus ils auront de lexique pour exprimer ce qu’ils ressentent, plus les mots pourront remplacer les gestes.
Comment calmer la colère chez l’enfant? 6 attitudes aidantes
1 - Rester le plus calme possible
Plus facile à dire qu’à faire, c’est vrai. Parce que les crises ont le chic pour arriver le soir, quand on est bien fatigué et qu’il devient plus difficile de prendre du recul. Ou alors, elles se produisent en public. Et c’est alors le regard des autres qui peut nous pétrifier. On ne sait plus comment agir: jouer l’indifférence ou crier à son enfant de se taire?
Si tu sens que tu ne peux pas garder ton calme et qu’un autre adulte est présent, tu peux t’éloigner quelques minutes pour faire redescendre ta tension. S’emporter ne fera qu’empirer les choses. Offrir un environnement sécurisant à l’enfant favorisera a contrario son apaisement.
2 - Garder la connexion avec ton enfant
Essaie d’être à son écoute en validant ses émotions. «J’entends et je vois que tu es en colère. Je comprends. Tu as le droit d’être en colère». Si l’enfant est d’accord pour être approché, tu peux le toucher, lui proposer de le prendre dans tes bras. Certains recommandent également de poser ta main à plat sur son plexus solaire, pour l’aider à calmer ses agitations corporelles.
Si ton enfant ne peut pas entrer en communication, n’insiste pas. Ce n’est pas en lui répétant de se calmer et de se taire que la situation s’arrangera. Il n’est pas en état d’être raisonné. Par contre, tu peux lui dire que tu restes là pour lui. S’il n’y a aucun risque qu’il se blesse ou fasse du mal à une tierce personne, tu peux faire autre chose, tout en le gardant à l’œil. Assure-toi qu’il puisse toujours te voir. Il ne doit pas se sentir mis à l’écart. Ses émotions ne doivent pas être ignorées, sans ça, il n’apprendra pas à les accueillir plus sereinement. Progressivement, à mesure qu’il s’apaise, tu peux te rapprocher de lui.
3 - Apporter des outils à ton enfant
Pour les enfants de plus de 6 ans, lorsque la colère s’est dissipée, il est utile d’avoir une discussion sur ce qu’ils ont ressenti au moment de leur colère. Même si l’échange est différé par rapport à la situation vécue.
Prenons l’exemple de l’enfant qui est en colère, car des insultes à son encontre ont fusé dans la cour de récréation. Tu peux alors lui donner des clés pour faire face à ce type de situations. Et si tu te sens démuni quant à ce que tu pourrais lui dire, tu peux écouter l’épisode du podcast Papatriarcat, «aider nos enfants face au harcèlement» avec le Docteur Philippe Aïm.
En plus d’apprendre à ton enfant à communiquer sereinement, tu peux lui proposer quelques solutions pour garder son calme, même si la colère pointe le bout de son nez.
Tu peux l’aider à identifier les signes qui annoncent une crise. Puis chercher avec lui la meilleure solution: respiration profonde, utilisation d’un coin de retour au calme, méditation guidée pour enfant ou adolescent, etc.
4 - Maintenir le cadre éducatif
Reste ferme quant aux règles fixées:
- Ton enfant fait une crise de colère parce que tu as dit non au jouet qu’il voulait? (C’est aussi valable pour les écrans…). Ne cède pas pour obtenir la fin de ses cris. Ce n’est pas lui rendre service. En l’accompagnant avec des mots, il apprendra petit à petit à mieux gérer sa frustration. Si on accède à sa demande, le jour où il essuiera un refus ferme dans sa vie, il ne sera pas armé pour y faire face. Cela pourra déclencher des accès de violence. Pour limiter de telles situations, tu peux expliquer à tes enfants, à l'avance, ce qu'ils peuvent attendre d'une situation donnée (sortie, repas, activité). Cela les aide à se préparer émotionnellement et réduit les surprises et les frustrations. Gérer les attentes diminue l’exposition aux déclencheurs de colère.
- Ton enfant te frappe, tape une autre personne ou utilise les objets qui l’entourent comme projectiles? Arrête-le dans ses gestes, éloigne les autres enfants et les objets. Explique-lui que la violence, c’est interdit. C’est puni par la loi. Tu peux lui dire qu’il a le droit d’être en colère, mais pas d’être violent.
Être un parent bienveillant, c’est être cohérent dans l’éducation que l’on propose. Lorsque les règles et les attentes sont alignées, l'enfant sait à quoi s'attendre. Cela limite les conflits et les frustrations qui peuvent déclencher la colère, car l'enfant se sent en sécurité dans un environnement prévisible. Cette cohérence doit être à la fois personnelle et familiale. II est préférable que les parents travaillent ensemble pour la maintenir, en appliquant des règles de manière uniforme.
5 - Proposer une alternative
Si l’enfant manifeste l’envie de décharger physiquement sa colère, tu peux avoir un «coussin de la colère» dédié, à disposition. Tu lui proposes alors de taper dessus.
Quand il s’apaise :
- Soit il est en mesure de parler: il pourra alors mettre des mots sur ce qu’il a vécu et échanger avec l’adulte qui pourra lui apporter son éclairage, ses conseils. Puis, il pourra passer à autre chose de lui-même.
- Soit il a pu entendre tes mots et tu détournes son attention en proposant une autre activité.
6 - Anticiper les situations à risque
Prenons l’exemple des courses au supermarché. Tu n’as pas d’autres solutions que d’y aller avec ton ou tes enfants. Tu redoutes qu’ils ne te disent constamment: «je veux ce jouet», «je veux ces bonbons», etc. Tu peux rappeler avec eux la règle : «nous allons faire les courses pour cuisiner les repas ou pour acheter un nouveau pantalon et un pull. Il n’est pas prévu d’acheter des jouets ou des bonbons ou quoi que ce soit d’autre.»
Quand des enfants jouent à plusieurs, tu peux rappeler les règles pour bien jouer ensemble : quand on veut ce que l’autre a dans les mains, on lui demande si on peut le prendre. Il a le droit de dire non. On doit alors attendre qu’il ne veuille plus l’utiliser. C’est tout le travail autour du contrôle inhibiteur. Le développement de cette compétence se construit tout au long de l’enfance. Si on n’apprend pas au jeune enfant à attendre son tour, à patienter, si on ne lui explique pas qu’il n’a pas le droit d’arracher des mains, il continuera de le faire. Il voudra tout, tout de suite, d’autant plus dans notre société actuelle qui fait la part belle à l’immédiateté.
Au-delà de ces exemples précis, pour limiter les crises avec de jeunes enfants :
- Pense à avoir avec toi de quoi répondre à leurs besoins de base (à boire et à manger).
- Essaie de maintenir une organisation la plus stable possible (pour les repas, le bain, le coucher).
- Aie toujours de quoi les occuper en cas d’attente (livres, petits jeux, etc., parce qu’évidemment, on évite le téléphone).
- Observe-les: si tu les trouves excités, fatigués, propose-leur une activité apaisante (non, les dessins animés ne calment pas…).
- Enfin, pense à remplir leur réservoir émotionnel régulièrement. Dans nos vies trépidantes, on oublie de se poser et de se câliner, de se serrer dans les bras.
Apprendre à accompagner sa colère: les bienfaits
À l’école, l’enfant apprend des savoirs fondamentaux comme le français et les mathématiques. Malheureusement, des habiletés comme savoir communiquer avec les autres ne sont pas considérées comme essentielles. Et pourtant, ce sont les compétences psychosociales qui aident l’enfant à se construire humainement, à devenir un adulte et un citoyen responsable. Ce sont elles qui lui permettent de se connaître, de se comprendre, d’avoir confiance en lui pour établir des relations sereines avec les autres.
C’est pourquoi il est si important d’accompagner l’enfant dans le développement de ses compétences émotionnelles.
Pour approfondir, découvre l’article Développer les compétences psychosociales de l'enfant
Comment le guider?
- en l’aidant à identifier et nommer ses émotions;
- en l’encourageant à les exprimer sans honte;
- en lui expliquant que la résolution de problèmes est un des outils de gestion de la colère.
Apprendre à accueillir sainement sa colère permet :
- de construire et maintenir des relations interpersonnelles sereines avec ses pairs, sa famille, ses amis ;
- de se sentir bien et de réduire le stress et l’anxiété générés par une colère mal gérée ;
- d’être plus disponible pour apprendre et se concentrer.
Distinguer la colère normale de problèmes sous-jacents
La colère est une émotion saine. Il est normal d’être en colère. Nous avons vu les bénéfices d’une telle émotion quand on sait l’accepter et la contrôler.
Néanmoins, si les accès de colère de ton enfant :
- restent fréquents et intenses malgré ce que tu as mis en place pour l’accompagner;
- se prolongent, voire ne s’interrompent quasiment plus;
- entraînent des dommages physiques, sur lui-même ou sur d’autres enfants et des problèmes relationnels;
il peut être temps de faire appel à un spécialiste de santé comportementale. Il saura éliminer des diagnostics de trouble léger de la conduite, de trouble oppositionnel avec provocation, de dépression ou troubles anxieux, de troubles de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.
La colère est une émotion. Pour bien accompagner celle de l'enfant, le préalable est de bien gérer la tienne pour être au plus proche des besoins de ton enfant.