L’art de la patience en éducation
Parmi les aptitudes nécessaires à l’exercice de la parentalité, la patience occupe une place essentielle. Et si tu te demandes comment être patient avec tes enfants alors que cette habileté te fait plutôt défaut, pas de panique. La patience, cela s’apprend et il n’y a pas d’âge pour l’apprentissage. C’est une habileté que tu acquerras d’autant mieux si tu comprends son importance en matière d’éducation. Elle fait partie intégrante du regard que l’on porte sur l’enfance et de ton envie de construire des relations sereines avec tes enfants.
La patience est définie comme la capacité à se contrôler durant des périodes d'attente, à maintenir son calme dans des moments de tension ou face à des obstacles. Est aussi qualifié de patient celui qui est capable d’attendre sans s’énerver ni s’ennuyer.
Dans notre société actuelle marquée par la recherche de satisfaction immédiate, où l'on aspire à obtenir tout, tout de suite, notre patience peut être mise à rude épreuve. Une page internet ou une vidéo qui met du temps à se charger, les attentes téléphoniques parfois interminables avec les messages et musiques en boucle, et nous voilà régulièrement à râler. Le danger qui nous guette, c’est de souhaiter également une réponse correcte et rapide dans nos interactions avec les enfants.
Or le développement intégral d'un enfant, tant sur le plan émotionnel que celui de sa maturité, nécessite du temps et ne saurait se précipiter. En tant que parent, l’un de tes rôles est de veiller à ce que ton enfant grandisse et s'épanouisse à son propre rythme, en tenant compte de ses forces et capacités, et en répondant à ses besoins physiques, émotionnels et affectifs. Ce processus est, par nature, long et exigeant.
Être patient, ça s’apprend!
Si tu as plutôt un tempérament impulsif, à vouloir que les choses aille vite, rassure-toi, la patience n'est pas innée, rien n’est perdu! La patience est une compétence qui se cultive et se renforce avec le temps et la pratique. Et il n’est jamais trop tard pour développer cette faculté.
Pour toi, parent, apprendre à être patient est non seulement bénéfique dans la gestion du quotidien, mais aussi dans l'éducation et le développement émotionnel de ton ou tes enfants.
Les bienfaits de la patience pour toi et pour les autres
La patience:
- Réduit le stress et améliore de fait la qualité de vie: elle permet de prendre du recul face aux situations anxiogènes, d'éviter les réactions impulsives et de répondre plus calmement. Au niveau du cercle familial, mais aussi professionnel, cela contribue à créer un environnement plus serein.
- Renforce les liens familiaux: l’impatience fait partie des éléments qui, si elle est trop présente, peut avoir des conséquences néfastes sur les relations. À l’inverse, la patience permet d’établir des relations plus fortes et plus positives avec tes enfants. Ils se sentiront entendus, compris. Ils n’auront pas peur de venir te parler, même pour des situations délicates, qui, chez bien des adultes, déclenchent un courroux. Le lien d'attachement et la confiance mutuelle sont plus solides. Mais pas d’injonction à être patient à 100%! Nous restons des êtres humains et manquer de patience de temps en temps ne ruinera ni ton enfant, ni la qualité de la relation avec lui. L’important est de le reconnaître et d’échanger avec lui sur la façon dont tu as réagi.
- Modélise des comportements positifs: les enfants apprennent par observation et mimétisme. En voyant leurs parents gérer les situations avec patience, ils adoptent eux-mêmes cette approche face aux obstacles. Cela participe à leur apprentissage de la résilience, de la gestion des émotions et de la persévérance.
Apprendre à être patient
Tu trouveras facilement des listes de conseils pour travailler ta patience, la renforcer.
En résumé, on te recommandera :
- de te confronter, en pleine conscience, à des situations qui mettent ta patience à l’épreuve: on t’encouragera à garder ton calme, en pratiquant des exercices de respiration, à t’interroger sur ce qui vient provoquer ton impatience, à trouver du positif dans la situation pour apprendre à relativiser;
- de prendre du temps pour toi, pour te reposer, te recentrer, car on sait comment la fatigue peut diminuer notre capital de patience;
- de célébrer les petits progrès en la matière, tant de ton côté que de celui des enfants…
J’aime cette idée qu’être patient est un voyage plus qu’une destination. C’est plus une transformation profonde de ta manière de vivre et d’interagir avec le monde qu’un but à atteindre. La patience s'ancre dans une compréhension plus large de soi-même, des autres, et du temps. Elle implique un regard critique sur nos réactions, nos attentes et notre relation au monde. Elle interroge surtout notre regard sur ce que l’on attend d'un enfant, aux “exigences” que nous posons sur lui.
L’une des clés pour développer la patience est d’apprendre à faire un petit pas de côté. En effet, on s’impatiente lorsque le résultat que l’on exige ne se produit pas tout de suite. Mais finalement, est-ce si grave que ce résultat prenne plus de temps que ce que tu avais imaginé? Est-ce si grave si ton enfant a besoin de prendre plus de temps pour atteindre le résultat attendu que ce que tu souhaiterais? Travailler à accroître sa patience passe par mener une réflexion sur les exigences que l’on a sur ses enfants.
Réfléchir sur son rapport au temps
La philosophe Marie Robert écrivait en 2020, dans un de ses billets quotidiens diffusés sur Philosophyissexy comment de simples mots comme «sois patient» pouvaient déclencher un «cataclysme de colère», quel que soit notre âge. «Attendre, toujours attendre… Ceux qui en appellent à notre patience savent-ils que la mort nous guette ?». La patience s’apprivoise. Elle est «la fidélité à une idée. Elle est de l’ordre de la constance, elle révèle ce qui nous tient à cœur, ce que nous visons vraiment.»
Si l’on sait qu’en étant patient, les résultats attendus seront au rendez-vous, on entre dans un état d’esprit favorable à l’attente, au temps long. La patience nous enseigne également une relation différente au temps. Elle nous invite à valoriser le processus plutôt que la précipitation vers le résultat. Cela peut être particulièrement libérateur dans notre société actuelle, où la rapidité est souvent synonyme de succès. Comprendre que le temps est un allié et non un ennemi peut transformer notre approche de la vie et de l'éducation.
Instaurer un cercle vertueux de sérénité
La patience mobilise le cortex préfrontal du cerveau, là où se gèrent la prise de décision, la résolution de problème et le contrôle des impulsions. Des chercheurs de l’Université supérieure de l'Institut des sciences et technologies d'Okinawa ont mis en évidence que la patience pouvait être favorisée par la production de sérotonine, particulièrement dans cette partie du cerveau.
La sérotonine, parfois qualifiée d’hormone du bonheur, est notamment connue pour son rôle dans la régulation de l’humeur (ainsi que dans le rythme circadien, l’appétit, la gestion de la douleur, etc.). Décider d’améliorer sa patience, c’est envisager finalement un travail plus général sur soi-même: travailler sur son bien-être mental et physique, en réduisant son niveau de stress, en acceptant de ne pas pouvoir tout contrôler et de ne pas avoir des attentes hors d’atteinte.
Cet état d’esprit permet déjà de réduire la pression que l’on s’impose, de secréter moins de cortisol et plus de sérotonine… et donc de dynamiser la patience, tant chimiquement dans l’organisme que psychologiquement. Or, être plus patient permet de mieux réguler les émotions et vivre les situations de stress.
S’entraîner à être patient
Si ton cerveau ne bénéficie plus de la plasticité cérébrale d’un enfant, il reste capable de se modifier tout au long de ta vie en réponse à tes expériences. En pratiquant régulièrement des activités qui requièrent et développent la patience (de la méditation aux activités qui nécessitent temps et concentration), tu peux littéralement reprogrammer ton cerveau pour devenir plus patient.
En comprenant que la colère ou l'impatience sont souvent contre-productives, tu peux choisir des réponses qui favorisent réellement la résolution de problèmes. La patience libère de l'urgence constante et de la réactivité automatique. Elle ouvre à une vie où chaque moment est vécu pleinement, où les relations sont nourries de compréhension et de respect. Elle implique l'aptitude à rester calme, à garder son sang-froid, et à maintenir une attitude positive face à des situations qui exigent d'attendre ou de persévérer sur la durée. La patience est fréquemment associée à la sagesse et à la maturité, car elle nécessite la compréhension que certaines choses prennent du temps et ne peuvent être précipitées.
Comment être patient avec tes enfants?
Et concrètement, avec tes enfants, au quotidien, comment faire preuve de patience?
Établir des attentes réalistes
La plupart des comportements qualifiés de “difficiles” ou “inappropriés” sont en réalité des phases d’apprentissage tout à fait normales.
Rien qu’en prenant conscience du rythme d’apprentissage des enfants et des attentes que tu projettes potentiellement sur eux, tu vas pouvoir cheminer.
Ces attentes te concernent aussi: si tu te mets la barre trop haut, que ce soit pour l’éducation, l’alimentation, la tenue de la maison, etc., tu risques d’être frustré et énervé. Il est effectivement difficile de tout mener de front à la perfection.
Je t’invite à ne pas te laisser influencer par ce que tu peux voir autour de toi, sur internet, ni par les paroles d’autres parents. Ton enfant ne recherche pas un parent parfait, autoritaire ou laxiste. Il a besoin de celui qui sera le plus authentique, qui lui aussi vit des émotions, reconnaît qu’il peut se tromper, sait écouter attentivement, échanger, partager, chercher des solutions.
Si tu as besoin d’objectifs pour avancer, définis-en qui soient atteignables tout en faisant preuve de bienveillance envers toi-même et envers tes enfants.
Ils ne savent toujours pas faire leur lacet? Et alors?
Ils ne rangent pas leur chambre alors qu’ils connaissent la règle ? Peut-être que tu peux en discuter avec eux pour voir quelle solution leur permettrait de l’appliquer. Quand une méthode ne fonctionne pas, il faut en essayer une autre. L’impatience n’a aucune efficacité pour ancrer les apprentissages de ton enfant!
Prendre conscience de la différence de temporalité entre adultes et enfants
La patience invite à réfléchir à son rapport au temps. Dans le même ordre d’idée, je t’invite à découvrir avec tes enfants l’album jeunesse d’Amélie Graux, Allez on y va!, aux éditions Les arènes. Ce livre qui montre des événements du quotidien tels que le départ à l’école et à la crèche, le repas, l’heure du bain aborde la différence de temporalité entre les adultes et les enfants. Les premiers sont plus dans l’anticipation alors que l’enfant ne sait vivre que le temps présent.
L’histoire met également le doigt sur les injonctions contraires que reçoivent les enfants. Qui n’a pas dit à ses enfants: «dépêchez-vous!», mais aussi «Attends!» quand l’enfant réclame l’attention pour montrer quelque chose par exemple.
Apprendre à ne pas mettre de l’énergie sur ce que tu ne contrôles pas
L'impatience émerge souvent de notre désir de contrôler l'incontrôlable. Accepter ce qui échappe à ton contrôle peut te libérer de l'impatience et diminuer ton stress. Par exemple, si tu es coincé dans un embouteillage, le fait de t’énerver n’aura aucun impact sur l'embouteillage lui-même et sur le temps que tu vas perdre à cause de cela. La seule conséquence de ton énervement va être de te mettre dans une humeur désagréable qui pourra avoir des répercussions sur les personnes autour de toi, et notamment tes enfants.
La clé est de faire un petit pas de côté et d’acter, même si c’est difficile, que tu n’as aucune prise sur l’embouteillage pour mettre ton énergie ailleurs, sur des éléments positifs, comme écouter une histoire avec tes enfants si tu es avec eux ou un podcast. Et transforme ce moment en une opportunité d'apprentissage ou de détente. C’est en adoptant ce comportement qu’on arrive à vivre ce fameux «lâcher-prise».
Lâcher prise, c’est aussi accepter, comme nous venons de le voir, qu’on ne peut pas tout mener de front, qu’il y a des choix à faire. Choisir, c’est renoncer et ce n’est pas aisé. Mais au fond de toi, tu as, à n’en pas douter, une priorité.
Une amie a dû faire face à la maladie de son enfant pendant plusieurs mois. Elle enchaînait les rendez-vous chez les spécialistes, avec l’équipe enseignante, les aller-retours au collège quand il allait mal et veillait à ce qu’il ne décroche pas complètement. Alors autant dire que durant cette période, le ménage et le rangement furent réduits au strict minimum. Et encore, elle n’était pas seule. Ils étaient deux parents à pouvoir se relayer, sans oublier le petit frère.
Quand on est un parent, une maman solo, vouloir tout faire parfaitement est préjudiciable pour sa santé et cela met forcément à mal le réservoir de patience. Il est important de revoir ses priorités, car cela permet de lâcher du lest. Généralement, la santé et le bonheur de la famille passent en premier… et ce n’est pas la poussière sur l’étagère qui y contribuera.
Quel est ton niveau de patience actuel?
La première étape pour devenir un parent plus patient est de reconnaître où tu en es actuellement. Comprendre tes tendances à l'impatience et ses déclencheurs spécifiques peut t’aider à élaborer des stratégies efficaces pour accroître ta patience. Voici quelques éléments à prendre en compte pour évaluer ton niveau de patience actuel.
Les signes d’impatience
L'impatience peut se manifester de différentes manières, tant sur le plan émotionnel que comportemental.
Quel parent n’a pas eu un jour un comportement impatient envers ses enfants? C’est finalement leur fréquence qui peut indiquer que la patience est encore une aptitude difficile à mettre en œuvre.
Sans aucun jugement, car je défie quiconque de ne pas avoir eu un jour une des attitudes ci-dessous, voici quelques signes courants d'impatience:
- Les réactions émotionnelles: éprouves-tu des sentiments de frustration, d'irritabilité ou de colère face à des situations quotidiennes avec tes enfants?
- Les comportements verbaux: hausses-tu la voix? Réponds-tu brusquement? Formules-tu des critiques fréquentes envers les actions ou questions de tes enfants?
- Les comportements non verbaux: as-tu tendance à pousser des soupirs, rouler des yeux, à avoir des gestes brusques ou une agitation physique indiquant de l'irritation?
- L’impulsivité: prends-tu des décisions hâtives sans réfléchir aux conséquences ou sans considérer les sentiments de l'enfant?
- L’intolérance aux erreurs: éprouves-tu des difficultés à accepter les erreurs ou les apprentissages lents de tes enfants?
Reconnaître ces signes et leur impact tant sur ton bien-être que sur celui de tes enfants et de vos relations est un premier pas bénéfique.
Les déclencheurs d’impatience
Tu peux approfondir la connaissance de ton fonctionnement actuel en te penchant sur les déclencheurs de ton impatience. Ils sont différents d’une personne à l’autre. Les identifier, c’est pouvoir mieux travailler dessus.
Un réservoir de patience moins plein à cause de la fatigue
Une maman m’expliquait que son métier (enseignante en maternelle avec des enfants de 2-3 ans) exigeait beaucoup de patience. Et elle sentait qu’avec la fatigue, son réservoir de patience était plus vite à sec. En fin de journée, elle s’en voulait d’avoir trop haussé le ton, de n’avoir pas eu la bonne réaction avec tel élève, d’avoir été un peu brusque. Elle en arrivait à ne pas aimer la façon dont elle exerçait son métier. Son estime d’elle-même diminuait. Son humeur en pâtissait. Elle ressassait, ruminait, le sommeil était perturbé, la fatigue s’accentuait, la patience baissait. Elle sentait aussi que cela avait des répercussions sur ses relations avec ses propres enfants.
Elle savait qu’elle devait déjà trouver un moyen de se ménager, peut-être en demandant de l’aide humaine déjà et en pointant ce qui dans son organisation la fatiguait. Au niveau mental, elle travaillait également sur son estime de soi: l’idée était d’accepter qu’elle faisait de son mieux, dans les limites de ses possibilités, avec les conditions qui étaient les siennes. Alors, tout ne se résout pas en un claquement de doigt, mais elle avait déjà une conscience aigüe de sa patience.
Quels sont les déclencheurs de ton impatience?
Voici une petite synthèse de tous les éléments évoqués dans l’article et qui peuvent être à l’origine d’énervements qui montrent bien que l’on perd patience:
- Fatigue, stress personnel, surcharge mentale?
- Attentes non réalistes et comparaisons avec autrui: as-tu des attentes envers les capacités ou le comportement de tes enfants trop élevées? Ce n’est pas parce que l’enfant de ta voisine range sa chambre seul au même âge, que le tien est censé y parvenir. Chaque enfant est différent et se développe à son rythme. Ton enfant a sans aucun doute développé d’autres habiletés que n’a pas encore acquises le petit voisin.
- Contrôle du temps: les retards, les imprévus ou les interruptions dans ton planning quotidien t’énervent très rapidement. Tu projettes la suite de ta journée et l’impact qu’un imprévu va y introduire. Tu stresses: ce grain de sable enraye la machine et se transforme en montagne.
- Comportements spécifiques des enfants: certaines attitudes de tes enfants t’horripilent? Il faut répéter encore et encore pour qu’ils aillent se laver les dents, viennent à table, mettent le linge sale dans le panier, etc.
Devenir patient grâce à la prise de conscience
Cette auto-analyse de tes signes et déclencheurs d’impatience te donne quelques pistes de travail.
La maîtrise des déclencheurs demande par exemple de :
- prendre du recul sur ce que renvoie l’environnement, la voisine, les réseaux, etc.;
- avoir en tête que chaque enfant avance à son rythme, ce qui permet de redéfinir les attentes que l’on peut attribuer à ses enfants… et si on voulait avant tout qu’ils soient heureux…;
- lâcher prise sur le planning réglé à la minute près pour y introduire de la souplesse, de l’adaptabilité grâce notamment à une définition ou redéfinition des priorités;
- réfléchir à une autre façon de communiquer avec ses enfants, puisque la répétition ne fonctionne pas.
Avec mon programme d’accompagnement à la parentalité « Au-delà des mots », j’aide les parents à retrouver un quotidien sans cris, à être confiant et heureux dans l’éducation qu’il propose à leurs enfants pour bien grandir. Si tu souhaites découvrir ma méthode éprouvée, contacte-moi !