Comment se faire obéir sans s’énerver?
Comment se faire obéir sans s’énerver? Voilà une question récurrente que nombre de parents à bout me posent !
Il est l’heure d’aller se coucher et tu demandes à ton enfant d’aller se brosser les dents. Il continue à jouer dans le salon et tu as l’impression qu’il ne t’a même pas entendu. Tu répètes calmement et il ne se passe rien. Enfin… rien de sa part, car chez toi, tu sens monter de l’énervement ! Mais comment faire pour qu’il écoute ? Comment faire pour qu’il fasse ce que tu lui demandes ? Surtout pour des actes quotidiens qui devraient être acquis !
Tu as peut-être déjà essayé les récompenses, le tableau des routines, les formulations positives. Parfois, cela fonctionne, sous le coup de la nouveauté. Mais aucune de ces solutions n’a d’effet durable ! Et trouver le juste milieu entre autorité et bienveillance est un défi majeur.
Cet article va t’apporter des solutions concrètes et durables pour te faire obéir sans pour autant t'énerver, crier, ou te sentir dépassé par les événements. Je t'expliquerai aussi pourquoi il est important d'apprendre aux enfant à appliquer les règles et pourquoi la polémique autour du mot obéir n'est pas fructueuse.
Comment se faire obéir sans s’énerver et sans crier?
Tu ne supportes plus le cercle infernal: mon enfant n’écoute pas - je répète calmement - je perds patience - je m’énerve? Et en plus tu te vois comme un mauvais parent et tu culpabilises de cela? Tu n'es pas seul!
Dans une étude scientifique portant sur près de 1 000 parents, les chercheurs ont recensé que plus de 90 % des parents avaient crié sur leurs enfants au cours des 12 derniers mois.
Techniques que je ne recommande pas se faire obéir sans s’énerver
Parmi les nombreux truc-astuces pour faire obéir ton enfant sans t’énerver, on trouve :
- les récompenses ;
- le jeu ;
- la diversion ;
- la technique des choix, etc.
Lorsque ces méthodes sont utilisées, l’enfant n’a pas l’opportunité de se connecter à ses ressources pour traverser la difficulté qu’il vit. Précisément la difficulté pour lui de faire ce que tu lui demaindes , quand tu lui demandes! Il est privé de l’occasion de développer la volonté de faire des choses qu’il n’a pas envie de faire. Or c’est une compétence est fondamentale pour tout être humain!
Certains recommandent aussi d'utiliser la communication non violente (CNV). Mais utiliser la CNV pour obtenir un comportement de la part d'un enfant, c'est s'éloigner des principes même de la communicarion non violente!
Pour en savoir plus, je t’invite à lire l’article sur Utiliser la communication non violente: est-ce difficile?
Les 4 pré-requis pour se faire obéir sans s’énerver
Il y a plusieurs pré-requis pour que la méthode que je te propose porte ses fruits:
1 - Patience et persévérance
Comme pour tout le reste, les coups de baguette magique n’existent pas! Les truc-astuces n’ont pas d’effet durable. L'important est de développer tes compétences parentales profondes.
Les changements n’arrivent pas du jour au lendemain. Mais petit à petit, tu vas développer ton savoir-faire. Et ton enfant va également développer le sien!
Car effectivement, il s’agit d’apprendre à ton enfant à appliquer la règle. Et cet apprentissage ne se fait pas d’un coup. Cela lui demande du temps.
J'ai rédigé un article sur Comment être patient avec tes enfants que je t'invite à aller lire.
2 - Des règles claires
Parfois les enfants n’obéissent pas, car la règle paraît claire pour l’adulte. Mais pour l'enfant, c'est bien différent. Pour lui, ce n'est pas une règle obligaoire! Il est donc fondamental que la règle soit posée, clairement énoncée, et qu’elle soit adaptée à l’enfant.
Lorsque tu poses la règle, c’est l’occasion d'expliquer sa raison d'être pour que ton enfant comprenne pourquoi elle est importante. Cela favorise l'adhésion.
A ce sujet, l'article Comment poser un cadre éducatif pourra t'aider.
3 - Constance et cohérence
Lorsque tu impulses un changement dans ta manière de faire, ton enfant ne sait pas encore si tu vas continuer avec cette nouvelle méthode ou non. Et il a besoin d’intégrer que cette méthode est pérenne. C’est la raison pour laquelle il est très important de rester constant.
Cela implique d'appliquer uniformément des règles, quel que soit le contexte ou l'humeur du moment. Si une règle est parfois appliquée et d'autres fois non, cela peut créer de la confusion chez ton enfant.
4 - Distinguer tes 2 rôles parentaux
En tant que parent, il t'appartient de poser les règles de ta vie de famille. C’est ton premier rôle.
Et ton second rôle est d’accompagner ton enfant à les appliquer, de l’aider à trouver la volonté de le faire lorsqu’il n’a pas envie et que c’est difficile pour lui de passer à l’action.
Lorsque ton enfant n’obéit pas, cela ne sert à rien de répéter la règle. Tu l’as déjà constaté, cela ne marche pas! En rappelant la règle, tu es encore dans ton rôle de parent qui pose les règles. Et à ce moment-là, ton enfant n’a pas besoin de ça.
S’il n’applique pas la règle, c’est parce qu’il rencontre une difficulté pour l’appliquer. S’il n’avait pas de difficulté, il obéirait sans que tu aies besoin de t’énerver. C’est la raison pour laquelle, dès qu’il n’obéit pas, tu prends ton second rôle parental et tu accompagnes ton enfant dans la difficulté qu’il rencontre.
4 bonnes pratiques pour que ton enfant obéisse sans t’énerver
Si ton enfant a plus de 5-6 ans, je te propose le déroulement suivant:
1- Déplacer ton focus
Très souvent, le parent met son énergie au mauvais endroit.
Lorsque l’enfant n’obéit pas, il s’énerve en mettant son énergie à
- répéter la règle: «allez, je te l’ai déjà dit, vas te brosser les dents»
- expliquer la règle: «c’est important pour que tu n’aies pas de caries»
- menacer: «je compte jusqu’à 3, si à 3 tu n’es pas allé te brosser les dents, je ne te lis pas d’histoire»
- donner des récompenses: «si tu y vas tout de suite, je te lis 2 histoires plutôt qu’une!»
- déplorer que son enfant n’applique pas la règle immédiatement: «j’en ai assez que tu n’écoutes jamais rien.»
Tout cela ne marche pas, car le focus est mis sur la règle. Or, quand ton enfant ne l’applique pas, je te propose de changer de focus et de prendre ton second rôle parental. Celui avec lequel tu accompagnes ton enfant lorsqu’il rencontre une difficulté.
2- Identifier la difficulté que rencontre ton enfant
Si ton enfant n’applique pas la règle, c’est qu’il rencontre une difficulté.
Cela peut être que:
- il n’a pas bien compris la règle, ou elle n’est pas claire ;
- il n’a pas envie d’arrêter ce qu’il est train de faire ;
- cela ne l’intéresse pas d’appliquer la règle, il n’en voit pas l’intérêt ;
- …
À cette étape, je te propose d’identifier avec lui la difficulté qu’il rencontre:
- «Qu’est-ce qui n’est pas clair pour toi, comment je peux t’aider à ce que ce soit plus clair?»
- «Je vois que tu n’as pas envie d’arrêter de jouer. Je comprends, c’est plus drôle que d’aller te brosser les dents. Est-ce bien ça?»
- …
Avec ces questions, tu ne fais plus le focus sur la règle, mais sur la difficulté que rencontre ton enfant.
Et à aucun moment, il ne s’agit de négocier la règle ou de revenir dessus.
3- Déterminer ce dont ton enfant a besoin pour dépasser cette difficulté
Je te propose de lui dire: «Je vois que c’est difficile pour toi d’appliquer la règle et de trouver la motivation pour arrêter de jouer. Je souhaite t’aider à appliquer la règle. De quoi as-tu besoin? Que pouvons-nous trouver ensemble pour que tu ailles te brosser les dents quand c’est l’heure et même lorsque tu n’en as pas envie?»
Et si ton enfant n’a pas d’idée, tu peux lui en suggérer et essayer d’en trouver ensemble.
Parfois, ce dont ton enfant a besoin, c’est que tu anticipes et que lui rappelle la règle 5 ou 10 minutes avant.
Il n’y a pas de réponse unique: pour un enfant, ce sera un tableau des routines, alors que pour un autre cela ne servira strictement à rien.
Il faut essayer différents moyens. Et parfois, les besoins de l’enfant changent dans le temps.
Si ton enfant n'arrive toujours à appliquer la règle, c'est peut être que le moyen que vous avez essayé pour l'aider n'est pas celui qui lui convenait.
Il ne s’agit pas de rechercher une baguette magique qui va métamorphoser immédiatement ton enfant en petit modèle d’obéissance.
Patience et persévérance prennent tout leur sens ici.
Ton enfant est en apprentissage constant. Et appliquer les routines est un apprentissage parfois difficile.
Tout comme pour toi d’ailleurs! La parentalité ne s'apprend pas du jour au lendemain. Et adopter la bonne attitude pour accompagner ton enfant dans ses apprentissages est parfois difficile.
4- Valoriser les petits pas
Mets un coup de projecteur sur les réussites de ton enfant, même si elles sont minimes. Donc dès que ton enfant progresse, valorise son comportement, félicite-le!
Certains parents ont la crainte qu’en agissant de la sorte leur enfant va se reposer sur ses lauriers. En réalité, c’est tout l’inverse, cela renforce les comportements et ancre les apprentissages. De plus, cela nourrit l'un des 7 besoins relationnels: celui d'être valorisé .
Plutôt que de pointer ce qu'il ne faut pas faire, valorise les comportements souhaités:
«Je vois que tu aies allé te brosser les dents tout de suite! Bravo»
L'article Comment féliciter ton enfant? pourra t'éclairer sur ce point.
Les bénéfices d’accompagner ton enfant à appliquer les règles sans crier
Quand tu agis de cette façon:
- tu deviens partenaire de ton enfant ;
- tu l’aides à développer la volonté de faire des choses qu’il n’a pas envie de faire ;
- tu renforces son autonomie ;
- tu développes une relation de qualité avec lui ;
- tu ne mets plus ton énergie à t’énerver, mais tu l’investis à accompagner ton enfant.
J’ai accompagné Clémence. Au début, elle criait beaucoup. Et voici son témoignage lorsqu’elle a découvert la puissance des 2 rôles parentaux:
«La chose que j’ai découverte et que je me suis même affiché tellement ça m’a éclairée, c’est la notion d’autorité et d’accompagnement. Ça donne une image complètement différente de la vie qu’on a ensemble.
J’ai appris à poser les règles. Et juste énoncer les règles, cela permet de poser les choses sans avoir à se crisper. Maintenant, j’amène la directive, la ligne droite. Et eux s’occupent de tout le reste. Et on compose ensemble. Et là, on arrive à maintenir un lieu de vie qui est agréable, sans que j’aie à crier.»
Pourquoi apprendre aux enfants à «obéir» est essentiel
J’ai mis des guillemets à obéir, car les forums regorgent de polémiques sur l’utilisation du mot «obéir». Une partie des partisans de l’éducation positive et bienveillante rejette le mot obéir et propose comme alternative la collaboration.
Obéissance vs collaboration
De mon point de vue, lorsqu’on oppose obéissance et collaboration, on ne traite pas le problème sous le bon angle.
Que signifie “obéir”
Dans la relation parent enfant, les mots obéir et obéissance ont mauvaise presse. Ils sont parfois associés à l’absence de possibilité de discuter ou de dialoguer. Voire à l’autoritarisme du parent qui imposerait des règles strictes auxquelles l’enfant doit se soumettre sans broncher.
D’après le Larousse, obéir c’est: «se soumettre à la volonté de quelqu'un, à un règlement, exécuter un ordre : obéir à la loi, à ses parents.»
La vie en société est organisée grâce à des règles que chacun doit appliquer.
En tant qu’adulte, nous devons respecter de nombreuses règles: les lois (comme l’obligation de s’arrêter au feu rouge), le règlement intérieur de l’entreprise (avec des horaires de travail à respecter, etc.). Ces règles s’imposent à nous et, même si nous pouvons exercer notre esprit critique sur l’existence de certaines, nous les appliquons. Nous obéissons à la loi! Et c’est une bonne chose, car cela permet d’assurer la sécurité de chacun. Heureusement que les conducteurs s'arrêtent aux feux rouges, qu'ils appliquent cette règle!
Dans les familles, ce n’est pas le législateur, mais le parent qui définit les règles. Eh oui, ces règles sont imposées aux enfants. C’est normal et ce n’est pas malveillant! Et les enfants doivent «obéir», c’est-à-dire appliquer les règles.
Personnellement, je préfère utiliser l’expression «appliquer les règles». Mais concrètement, il s’agit de se soumettre à une décision exigée par quelqu’un d’autre, c’est-à-dire obéir! Et à nouveau, il n’y a pas à s’offusquer de cela lorsque la règle est justifiée et adaptée à l'âge de l’enfant.
Appliquer les règles est une compétence fondamentale à acquérir
Les enfants sont les adultes de demain. Et, parmi les nombreux apprentissages qu’ils doivent faire pour être heureux et épanouis dans la société, il y a celui d’apprendre à appliquer des règles sans se révolter, sans négocier perpétuellement. En parallèle, cela n'empêche pas de développer un esprit critique sur le bien fondé de certaines règles. Bien au contraire!
Donc, oui! Il est essentiel que les enfants apprennent à «obéir» aux règles qui leur sont imposées lorsqu’elles sont en adéquation avec leur âge.
Cette compétence est cruciale dans la préparation de ton enfant à la vie en société. En apprenant à respecter et appliquer à des règles simples à la maison, ton enfant comprend également l'importance de vivre en harmonie avec les autres. Il développe un sens de la responsabilité personnelle, ce qui est fondamental pour son intégration réussie dans la société.
Les méthodes de l’éducation autoritariste vs le courant de l’éducation bienveillante
Pour que l’enfant obéisse, l’éducation à l’ancienne avait recours à toutes sortes de méthodes décriées aujourd’hui car elles relèvent de la maltraitance physique ou psychologique: les coups, les cris, les humiliations, mais aussi le chantage, les punitions…
Ces moyens sont aujourd’hui qualifiés de violences éducatives ordinaires. Pour «éduquer» l’enfant, ces méthodes le placent dans une position de soumission par rapport à l'adulte tout-puissant.
L’éducation dite positive ou bienveillante est venue proposer une alternative en mettant en lumière le fait que l’enfant est un être humain à part entière. Et en tant que tel, l’enfant mérite autant de respect qu’un adulte. Et pour cela, il est indiqué d’abandonner les méthodes violentes pour proposer des méthodes respectueuses de l’enfant.
La dérive à la française
Malheureusement en France, un courant de l’éducation positive a mis en avant exclusivement :
- le jeu ;
- la proposition de choix ;
- le détournement d’attention ;
- les formulations positives ;
- commencer les phrases par JE ;
et toutes sortes de truc-astuces pour ne pas imposer à l’enfant la décision de son parent.
Et petit à petit, les parents ont été abreuvés de discours et de littérature où il est exclusivement proposé de faire collaborer (plutôt que de faire obéir).
La conséquence est que le rôle fondamental du parent, de poser les règles et de définir ce que l’enfant doit faire, a disparu. Et cela a semé le trouble auprès des parents qui n’ont plus osé imposer des choses à leurs enfants et qui ont développé la peur de le brusquer et de le traumatiser.
Cette dérive a été abordée par Didier Pleux dans une émission de France Inter.
J’espère que ces explications te déculpabilisent: oui, tu as le droit (et même, tu as le devoir!) de poser les règles de ta vie de famille.
Je le répète: imposer une règle à un enfant n’est pas malveillant. Parce que ton enfant n’est pas encore un adulte, c’est toi qui définis les règles!
Au fur et à mesure que ton enfant grandit, le dialogue est bienvenu pour faire évoluer la règle (par exemple sur l’heure pour rentrer à la maison lorsque ton enfant devient adolescent, sur le temps d’écran, etc.). Mais il s’agit, dans ce cas, d’associer ton enfant à l’élaboration de la règle. Le conseil de famille et le bâton de parole sont très utiles pour aborder ces sujets en famille et cheminer pour trouver ensemble des solutions pour se faire obéir sans s'énerver.